Si peser ses mots au trébuchet est une règle d’or de la diplomatie, ne pas parler pour les autres en est une autre. Il semble que Vladimir Poutine se soit un peu avancé pour les Américains, sur l’explosif dossier du conflit israélo-palestinien.
Le président russe a fait lundi une drôle d’annonce, au début d’une rencontre à Moscou avec son homologue palestinien Mahmoud Abbas : « Je viens de m’entretenir avec le président américain Trump. Evidemment, nous avons parlé du conflit israélo-palestinien ». La « situation est désormais très éloignée de celle que nous voudrions tous voir », a ajouté Poutine, assurant « avoir toujours soutenu le peuple palestinien ». Il a ensuite affirmé vouloir connaître la position de Mahmoud Abbas pour « mettre en place des approches communes ». Des approches communes avec la seule Russie ? Ou avec les Etats-Unis ? Des propos suffisamment ambigus pour que Washington réagisse.
Dans un communiqué, la Maison Blanche a fait savoir que, lors d’un entretien téléphonique consacré à plusieurs sujets, dont la Corée du Nord, Vladimir Poutine avait informé Donald Trump de sa rencontre avec Abbas, mais que le président américain avait dit que « le temps est venu d’œuvrer vers un accord de paix durable ». Une phrase beaucoup moins engageante pour les Américains qui ont fâché les Palestiniens il y a quelques mois en reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël.
Mais le mal est fait. « Vu l’atmosphère créée par les actions des Etats-Unis, nous […] refusons toute coopération avec les Etats-Unis en tant que médiateur », a insisté Abbas auprès de Poutine, selon la traduction en russe de ses propos. « En cas de rencontre internationale, nous demandons que les Etats-Unis ne soient pas les seuls médiateurs mais fassent seulement partie des médiateurs », a-t-il ajouté.
Le dirigeant palestinien est d’autant plus vexé que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré lundi devant des députés du Likoud qu’il discutait depuis « quelque temps » avec l’administration Trump de la « souveraineté israélienne » sur les colonies de Cisjordanie occupée.
Du « vol de terres organisé » avec la « complicité » de l’administration Trump
Appliquer la souveraineté aux colonies est considéré comme annexer ces territoires. La Maison Blanche a réfuté dans une rare dissonance avec Israël mais Abbas n’a pu s’empêcher de qualifier les projets israéliens d’annexion de « vol de terres organisé », avec la « complicité » de l’administration Trump.
Josh Raffel, porte-parole de la Maison Blanche, a nié l’existence de discussions avec Israël à ce sujet. Mais là encore, les Palestiniens ont immédiatement fait part de leur indignation. Le numéro deux de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, a noté qu’en l’espace de trois mois l’administration Trump avait reconnu Jérusalem comme la capitale d’Israël, suspendu des dizaines de millions de dollars d’aide à l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens et qu’à présent elle encourageait « le vol organisé de terres en acceptant l’annexion ». Le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Roudeina, a, lui, averti que de telles mesures ne pouvaient que « conduire à plus de tensions et d’instabilité ». « Elles élimineront tous les efforts de la communauté internationale visant à sauver le processus politique », a-t-il ajouté.
La colonisation est illégale au regard du droit international. Mahmoud Abbas doit s’exprimer devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 20 février.
Lundi au Caire, le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson a répété « l’engagement » de Washington à parvenir à un accord entre Israéliens et Palestiniens. La veille, Trump avait douté dans la presse israélienne de voir Israéliens et Palestiniens se rapprocher bientôt pour reprendre des discussions de paix. Des propos cette fois indiscutablement imputables au président américain.